Carlaw Park - En direct des "Four Nations" 2009

Toowoomba

TOOWOOMBA

 

La Holden rouge roulait depuis bientôt deux heures .... faut dire qu'avec Pascal, à la sortie du périmètre de Noosa la pluvieuse, nous avions un peu tâtonné et, à l'entrée de Nambour sans vergogne complètement dérapé pour nous retrouver, dans un dénivelé de plus de 10% , sur les « collines Â» de Glass House ? Montville ? Maleny ??? en résumé et pour faire court, nous étions complètement paumés .... La « Michelin Â» australienne perdue au fond du coffre, sans doute, et le GPS, interdit par Pascal qui ne voulait s'en tenir qu'à son sens inné de la direction ! Dans ce dédale de routes, enfin plutôt de pistes, nous recherchions comment atteindre, sans y passer la semaine, Toowoomba ...

Toowoomba ?? Toowoomba ??? Quelle drôle d'idée  me direz vous ? C'est quoi  encore cette étrange destination à consonance aborigène … Qu'alliez vous faire là-bas ?? pour être franc avec vous, amis lecteurs, nous ne le savions guère .... Dans un premier temps, nous voulions quitter, c'est sûr, les seaux d'eau qui tombaient sur nos têtes depuis une semaine, apportés par les alizés du Pacifique, pour essayer de regagner un peu de sec, retrouver les terres intérieures,  mais sans trop quand même nous enfoncer dans l'outback, car et disons le net, ce n'était pas l'envie qui nous manquait de reconnaître la vraie Australie, mais notre mission principale n'était-elle pas de couvrir la finale de Brisbane du 22 Novembre? et nous étions le 18 .....

Alors, nous avions parlé de Toowoomba .....

Pascal me disait qu'il avait fait connaissance avec le papa de Justin Murphy, notre petit Dragon Français, et qu'il aimerait bien aller lui faire un petit coucou, dans son pub tout proche de Toowoomba - ouf heureusement que Dad Murphy n'avait pas eu l'idée de s'installer son bar au Cap York, imaginez le périple!

Toowoomba, pour moi, était le royaume du mérinos et quoi de plus normal, pour un berger d'aller voir les méthodes de travail des collègues et de leur dire un petit coucou ...

mais Toowoomba, aussi, avait éclairé mes nuits d'insomnies, drainé mes rêves de rugbyman , par les récits évocateurs de l'incomparable Henri Garcia .... non seulement Toowoomba était le royaume du mouton, mais celui du rugbyman australien treiziste .....

je cite:

 

«  A Toowoomba où l'on trouve les plus solides rugbymen de tout le pays, grand producteur de durs en tout genre, Toowoomba est un gros centre agricole à l'intérieur du Queensland. Les montagnes des alentours furent de solides volcans. Avant d'être totalement éteints, ces brasiers entassèrent une dizaine de mètres de cendres volcaniques qui allaient compter, en notre 20 ème siècle, pour les plus riches terres agricoles. Cette terre nourricière doit être particulièrement riche, car elle a vu s'épanouir les plus belles races de moutons mérinos et les plus costauds des rugbymen des antipodes. Toowoomba avec ses 40000 habitants et d'ailleurs la ville d'Australie qui a fourni le plus de joueurs à l'équipe nationale après Sydney. Par réaction sans doute contre les mérinos,Toowoomba ne fournit pas de tendres agneaux aux sélectionneurs, mais des joueurs type cow-boys du Far West aimant les bagarres de saloons. Â»

 

 

Le 18 Novembre, finalement , en fin de soirée, nous somme arrivés à ….... Toowoomba ...

La ville a grandi depuis le récit de « Rugby Champagne Â» elle compte maintenant 120000 habitants, mais je l'affirme, si les Puig- Aubert, Poncinet, Benausse, Montrucolis, Poletti revenaient, ils ne seraient pas dépaysés car, ici, presque rien n'a changé ....

 

Excepté un Holiday Inn et un Appart Resort de cinq « petits Â» étages, la ville a gardé son style de début de siècle,

peu de circulation en dépit des descentes de gros 4x4 des fermiers venant aux provisions, des avenues larges comme des autoroutes et des gens tranquilles prenant le temps de vivre .... de grands sourires dans les pubs authentiques encore … Ici le temps et les coutumes ne semblent pas avoir de mise .....des parc botaniques plus beaux les uns que les autres, enjoués par les vols et les chants des perruches et autres volatiles en tous genres !!!

Toowoomba, un havre de quiétude avant une finale de Coupe du Monde de Rugby à XIII .... Quoi de mieux pour décompresser et se concentrer sur l'évènement prochain ......

En l'attendant  je tenais à aller tout de même, faire un petit pèlerinage au Concord Oval, ce lieu  où les trois glorieuses équipes de France 51-55-60 s'étaient produites ....

Vous êtes sans doute comme moi, enfin vous les anciens, qui n'avaient eu comme moyen de communication, que de lire Rugby Champagne – car pas grand chose n'existait alors - et je crois en la véracité des écrits de l'ami Garcia .... Ouiiiiiiiiiiii, je croisssssssss !!! Je disais donc, que j'aime me rendre à chaque fois, dans ces « arènes Â» qui ont fait la grandeur de nos aînés .... et je dois aussi vous avouer que depuis quelque temps, je reçois des piqûres à l'âme .. oh, certes pas des piqûres mortelles, mais terriblement assassines ....

j'ai eu beaucoup de peine, à voir Carlaw Park, terrain de tant de nos sueurs anciennes, transformé en vulgaire parking à voitures ....

voir disparaître les belles, les incomparables tribunes rococo de Cricket Ground, pour du béton basique et devenir un piège à touristes !

voir le Lang Park, qui était un sanctuaire de communion entre le public et les joueurs, transformé par des « Banquiers Â» - je hais ces gens - en  un sinistre Barnum de distribution de bières, encerclant un rectangle vert !!!

alors, vous comprenez aussi mon impatience de reconnaître le lieu qui avait vu, aussi, toutes les grandes gloires australiennes, françaises, anglaises, kiwis et même américaines ....

là aussi, terrible désillusion … nous sommes arrivés avec Pascal un mois trop tard .... tout venait de disparaître, on refait le stade !!! aux poubelles dans les bennes, les bancs de bois qui faisaient le charme et la concorde alliance de cet anneau .... nous entrons ici aussi, dans l'ère du marketing, place au béton...

 

Quelques photos de tournées et d'anciens, entreposés sans respect dans un coin de bureau du nouveau directeur de communication qui ne savait même pas qui était Duncan Hall, et les terribles joutes qui avaient eu lieu sur ce stade. Comme nous avions du temps,  de la patience, dans notre langage ovalien Ausfranglais, nous l'avons bien sûr informé de l'histoire de cet endroit dont il a la charge..

Imaginez un jour - oh je sais hélas que cela va arriver bien trop tôt - le « Moulin Â» le Â« Domec Â», transformés en parking, en supermarché, pour être déplacés en périphérie et les nouveaux responsables de ces sites ne pas connaître l'Histoire....

Alors , un petit plaisir, fermons les yeux ..... non, quelle connerie …. si vous les fermez, vous ne pourrez pas relire le manuel du treiziste ….

Je cite donc encore....

 

 

« En ce temps là, l'équipe était conduite par Duncan Hall, le plus terrible pilier du continent, l'homme qui avait achevé la défaite du deuxième test. Dès le début du match Duncan Hall voulut intimider Bartoletti, mais celui-ci ne se laissa pas impressionner et répliqua poing par poing. Peu après, mécontent d'un placage de Brousse, dans son style patte de tigre, Hall expédia un solide direct du droit qui fendit la lèvre de Brousse. Elie répliqua par un direct du gauche qui envoya Hall goûter la saveur de l'herbe du Concord Oval de Toowoomba.

L'arbitre avec autorité expulsa les deux joueurs. Brousse sortit en montrant ses blessures au public. La foule répliqua en réclamant Hall sur l'air des lampions.

We Want Hall ! We want Hall !

La partie fut interompue , Hall ne voulait pas sortir.

Alors Bob Samatan fit signe à Puig-Aubert de quitter le terrain avec ses hommes.

Aussitôt, la police encercla le terrain . Aux vestiaires Antoine Blain et le président de Toowoomba, l'honorable E.S. Brown discutèrent un quart d'heure. La position française était simple: 2 joueurs s'étaient battus, l'arbitre avait estimé que tous les 2 étaient coupables et les avaient renvoyés aux vestiaires, tant que Hall resterait sur le terrain, eux resteraient aux vestiaires.

Enfin Hall, la brebis galeuse, regagna le bercail.

Le calme et aimable Bill Corbett écrivait le lendemain dans le « Sun Â»:

« une des scènes les plus dramatiques que j'ai pu voir, je l'ai vécue à Toowoomba Â»

L'incident Hall-Brousse réglé, le jeu reprit avec une nette amélioration française mais une fois encore, ce fut la botte de Pipette qui força le succès final.( 20.17)

La croisade du Queensland était terminée. Â»

 

 

En 1955, devant la cascade des blessés, et la priorité du prochain test et aussi il faut le dire la rugosité de Toowoomba, on envoya une équipe de joueurs en voie de rétablissement de blessures ...

Sage décision de l'encadrement lorsque l'on connait la suite.

1955  Toowoomba 35 France 6

 

 

En 1960 , ce fut encore du beau spectacle et comme me le dit mon papa, ce jour-là son copain « Papillon Â» perdit sa place pour la suite de la tournée, mais pour les autres le plus beau encore allait arrive … heureux temps !!!

« Rugby Champagne.

1960. Toowoomba 21 France 21

A Toowoomba, le 13 de France luttant de toutes ses forces, avec tout son cran contre l'adversaire, fit un match admirable face à la meilleure équipe de tout le Queensland. Mais quelle mouche piqua ce jour-là Pierre Lacaze ?

On sait que notre Papillon avait perdu mystérieusement sa fameuse botte. A Toowoomba, il manqua encore deux coup de pied bien placé, aussi au troisième René Duffort, de la touche, ordonna à Pierre Lacaze de laisser botter son hononyme André Lacaze.

Papillon se mit à rouspéter comme un voleur et gesticuler, amusant fort les 20000 personnes présentes. Après quoi, voulant prouver qu'il était le meilleur, il fit un numéro acrobatique qui se termina par un essai entre les poteaux de l'ailier adverse Lehman ! Cela provoqua les rires du public mais aussi la grande colère d'André Vassal, de René Duffort et des Tricolores. A ce cadeau de 5 points, allait s'ajouter un handicap supplémentaire, les blessures de Gruppi touché au genou et André Lacaze, victime d'une déchirure à la cuisse ....Héroïque, le XIII de France arrachait tout de même le match nul (21.21) Â»

 

 

 La nuit n'allait pas tarder à tomber sur Toowoomba , nous devions encore traverser le «  Botanic Garden Â» et ses belles Queenslandaises aux balcons de dentelles, je veux parler bien sûr et vous aviez sûrement compris, des maisons reines de la région , que Pascal allait encore saisir dans son appareil pour en être un jour le témoin nécessaire.

Chemin faisant , le regardant travailler, je continuais à me raconter mes histoires au discernement scandaleux par ses travers pour certaines mais aussi terriblement glorieuses pour d'autres-enfin je l'espère-

Brinquebalé, je suis comme notre rugby entre modernité et vieilles lunes ….



01/12/2008
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